Dix-sept ans de Résistance à l’écran

Article publié dans « Le Patriote résistant » n°974 de mai 2022

Grâce au 7e art, l’association des Amis du Musée de la Résistance nationale de Seine-Saint-Denis se bat contre l’oubli. Depuis 2005, la mémoire est projetée sur grand écran pour tout public et scolaires aux fauteuils d’orchestre. Retour sur la dernière édition du festival La Résistance au cinéma, du 10 au 27 mars.

Isabelle Durin, violon, et Michaël Ertzscheid, piano, qui ont repris des extraits musicaux des films Le Dictateur, Casablanca, Le Dernier Métro, La Passante du Sans-Souci, Le Train, La Liste de Schindler, La Vie est belle, Le Vieux Fusil, L’Armée des ombres, Le Pianiste, Les Insurgés et Quand les aigles attaquent

« C’est dans les salles obscures que nous mettons la Résistance en lumière ! » Cette boutade de l’association séquano-dyonisienne justifie depuis dix- sept ans le festival La Résistance au cinéma. L’initiative réunit plus de 500 spectateurs par an. Et même 800 en novembre dernier.

Les enfants d’abord. La 17e édition du festival a débuté au théâtre Georges-Brassens à Villemomble pour des dizaines de scolaires avec le film Sophie Scholl, les derniers jours, de Marc Rothemund. L’image en fond d’écran, jeune et souriante, de cette fondatrice du réseau de la « Rose blanche » a accompagné les échanges avec l’AMRN 93 et les enseignants de cette classe découverte sur la Résistance allemande sous le joug nazi. Affluence scolaire encore à La Courneuve, au cinéma L’Étoile avec une centaine d’élèves et leurs enseignants pour le film d’animation Où est Anne Frank ! d’Ari Folman ; et au cinéma Le Bijou à Noisy- le-Grand pour Adieu Monsieur Haffmann, de Fred Cavayé. 140 scolaires ont questionné Éric Brossard, enseignant et historien au Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne. Les enseignants plongent leurs élèves dans les histoires de (la) Résistance sur grand écran grâce aux places payées par l’AMRN 93 (315 scolaires en mars dernier).

« Ils vont au cinéma comme ils vont en classe, souligne l’association, pour découvrir la résistance au nazisme. » Le 15 mars à Montreuil, les scolaires ont même été les acteurs d’un « stop motion » (voir encadré). Un festival très diversifié : projection de Lucie Aubrac, de Claude Berri, au cinéma Le Bijou de Noisy-le-Grand avec l’association Les Elles de Noisy ; ciné-concert au Méliès à Montreuil avec Isabelle Durin, violon, et Michaël Ertzscheid, piano, qui ont repris des extraits musicaux des films Le Dictateur, Casablanca, Le Dernier Métro, La Passante du Sans-Souci, Le Train, La Liste de Schindler, La Vie est belle, Le Vieux Fusil, L’Armée des ombres, Le Pianiste, Les Insurgés et Quand les aigles attaquent, à l’initiative commune de l’AMRN 93 et des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de Seine-Saint-Denis. Le concert a précédé le court-métrage L’Inspection, de Caroline Brami, avec Frédéric Bas, coréalisateur. Également à l’affiche : Une jeune fille qui va bien, de Sandrine Kiberlain, à l’Espace 1789 de Saint-Ouen ; Golda Maria, de Patrick Sobelman, au Méliès de Montreuil ; L’Armée des ombres, de Jean-Pierre Melville, au Cin’Hoche de Bagnolet ; Pingouin & Goéland et leurs 500 petits, du réalisateur Michel Leclerc, présent lui-même au Trianon de Romainville-Noisy- le-Sec ; Le Vieux Fusil, de Robert Enrico, au cinéma L’Étoile à La Courneuve.

Le film « Les Leçons persanes » de Vadim Perelman projeté à l’Ecran nomade de Bobigny

Enfin, la projection à Bobigny des Leçons persanes, de Vadim Perelman, sur la Shoah, s’inscrivait dans le cadre du 80e anniversaire du 27 mars 1942, premier convoi de Juifs de France vers Auschwitz. Chaque projection a été suivie d’un débat-rencontre-dialogue avec des intervenants du monde du cinéma, historiens, universitaires : Sébastien Colombo, médiateur culturel aux archives départementales de Seine-Saint-Denis; Stéphanie Trouillard, journaliste à France 24 ; le réali-sateur Patrick Sobelman et Éric Lafon, directeur scientifique du Musée de l’histoire vivante de Montreuil ; Claude Mann, acteur qui joue le rôle du Masque dans L’Armée des ombres ; Sylvie Zaidman, directrice du musée de la Libération de Paris – musée du général Leclerc – musée Jean Moulin, ex-historienne aux archives départementales à Bobigny ; et Thierry Berkover, président des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation du 93, lui-même fils de déporté. Intervenants sollicités par l’AMRN93… ou inattendus, comme cette spectatrice de La Courneuve qui a vécu enfant près d’Oradour et se souvient – elle avait dix ans en 1944 – des évocations du crime des nazis près de chez elle.

Parmi les partenaires fidèles, l’appui scientifique des Musées de la Résistance nationale et de l’Histoire vivante de Montreuil et des archives départementales, les Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de Seine-Saint-Denis, l’Ami- cale de Châteaubriant-Voves- Rouillé-Aincourt, l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) et l’Association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance (ANACR), de Seine- Saint-Denis, avec le soutien du Patriote Résistant, de l’Éducation nationale, du Conseil départemental, Est-Ensemble et Seine-Saint-Denis Tourisme. Sans faire de cinéma, le « 9-3 » fait acte de… résistance.

Le « Stop motion » (*) des collégiens de Montreuil

Sur la scène du Méliès, les élèves de 3e du collège Solveig Anspach de Montreuil

Une performance : les élèves de 3e du collège Solveig-Anspach de Montreuil-sous-Bois ont réalisé leur film intitulé Dans les coulisses de la manifestation du 11 novembre 1940, dans le cadre du Concours national de la Résistance et de la Déportation 2020-2021.

Celui-ci avait pour thème « 1940, entrer en Résistance : comprendre, refuser, résister ». Le film a reçu la mention spéciale du jury national du CNRD pour sa créativité et le prix du documentaire au Dubrovnik film festival 2021 dans la catégorie documentaire de moins de 15 ans. Il a été présenté au festival La Résistance au cinéma ce 15 mars au cinéma Le Méliès à Montreuil, en préambule à la soirée (voir ci-dessus). En présence des familles fières et émues, Patrice Bessac, maire de Montreuil, a félicité les collégiens en leur remettant le diplôme de jeune ambassadeur citoyen. « Ils font la fierté montreuilloise (au niveau national et à l’international !) grâce à leur talent. (…) Vous nous avez transmis des valeurs et une vision d’un événement historique avec un regard différent à travers une performance artistique inédite ! Vive la culture et vive la jeunesse montreuilloise riche de talents, de créativité et d’inventivité. »

Les élèves, encadrés par leur enseignante Sabine Pesier, ont proposé et impulsé cette méthode de réalisation originale et moderne pour le plus ancien concours mémoriel de l’Éducation nationale (1961) et le plus prestigieux (30 000) participants. Rédaction du scénario, réalisation des dessins, conception des scènes, prises et choix des photographies, interprétations des dialogues et des chants… encadrés par une recherche documentée et précise et une réflexion avisée et posée : c’est un travail immense et magistral qu’ont fourni les élèves, coordonnés par leurs enseignantes. Le stop motion est visible en ligne sur le site : museedelaresistanceenligne.org

(*) L’animation en volume ou animation pas-à-pas (stop motion), technique d’animation utilisée avec des objets réels, dotés de volume. Si les objets sont immobiles en eux-mêmes, le stop motion permet de créer l’illusion qu’ils sont dotés d’un mouvement naturel (Wikipédia).

Pierre Gernez,

journaliste, secrétaire de l’AMRN 93

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